Disponibles en Europe en première ou seconde monte, les pneumatiques BKT sont exclusivement fabriqués en Inde. L’équipementier y possède cinq sites de production, dont celui de Bhuj, aussi gigantesque que moderne. Celui-ci doit d’ailleurs permettre à la société d’atteindre d’ambitieux objectifs à l’horizon 2026 (600.000 t de pneus par an, pour un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars), soit demain… Une visite des lieux s’imposait!
Les portes du site de production à peine passées, la présence de voiturettes de golf, nécessaires à tout déplacement, témoignent de l’immensité de l’usine BKT de Bhuj, située dans le nord de l’Inde, à 120 km environ de la frontière pakistanaise. Sur pas moins de 260 ha, on y retrouve la production de pneumatiques, une usine de noir de carbone, une centrale énergétique, un véritable village…
Des pneus agricoles, industriels, miniers…
Le géant indien du pneu «off road» BKT (ou Balkrishna Industries Limited) a vu le jour en 1987, à l’initiative de Mahabirprasad Poddar. Depuis, la société a connu un développement fulgurant, sur le marché intérieur mais également à l’international. Présente dans 160 pays, ses principaux marchés sont les États-Unis et l’Europe. Le Vieux Continent représente pas moins de 45% de ses ventes.
Le groupe se compose de cinq sites de production: le premier conçoit les moules nécessaires à la production des pneus tandis que les quatre autres assurent la fabrication desdits pneus. Parmi ceux-ci, celui de Bhuj est à la fois le plus récent et le plus moderne. Il a été implanté 2012 dans l’état désertique du Gujarat, d’où est originaire Gandhi. Il s’étendait à l’époque sur 125 ha, pour une capacité de production journalière de 38 t (436 t à l’heure actuelle).
Sur place, l’équipementier produit des pneus et chenilles pour véhicules agricoles, forestiers, miniers et industriels, pour un total de plus de 3.200 références. 50% de sa production est destinée aux engins agricoles. De manière anecdotique, des modèles destinés à équiper les véhicules de l’armée indienne y sont également fabriqués.
Une ville dans l’usine
Le site de Bhuj se distingue par son immensité mais aussi par la diversité des bâtiments que l’on y retrouve. En effet, si l’équipementier n’a jamais réellement rencontré de problème pour recruter tant des ouvriers que des techniciens ou ingénieurs, il fallait convaincre ces derniers de venir travailler en plein désert.
Impossible n’est pas BKT pourrait-on écrire, tant la société se donne les moyens de ses ambitions. Ainsi, un véritable village a été construit sur le site même. Outre les logements pour les employés et leur famille (1.000 personnes, environ), on y retrouve un restaurant, des salles de sport, un centre médical, un supermarché et, certains jours, quelques échoppes de marché. Une école et une plaine de jeux accueillent les enfants tandis qu’une caserne de pompier assure la sécurité du site.
Vivre en plein désert n’est pas des plus agréables… Encore une fois, le manufacturier a trouvé la solution! Une pépinière produit sur place l’ensemble des arbres et arbustes nécessaires à la végétalisation du site. Pas moins de 100.000 arbres résistants à la sécheresse ont été implantés. Ils contribuent également à atténuer la chaleur ambiante (30ºC lors de notre visite, mi-février).
Des pneus passés aux rayons X
Mais revenons-en à l’usine elle-même. Celle-ci occupe plus de 4.700 personnes travaillant 48heures par semaine, 6 jours sur 7. Elle fonctionne 24h sur 24, à quelques rares exceptions près, telle la fête de l’indépendance.
Les bâtiments, de par leur clarté, propreté ou niveau d’équipement, n’ont rien à envier aux usines européennes. Les machines-outils sont d’origines allemande, italienne et tchèque et sont couplées à l’équipement informatique le plus récent. Le manufacturier marque ici sa volonté de concurrencer les plus grandes marques européennes et internationales.
L’organisation du travail montre toutefois que nous sommes en Inde. Ainsi, certaines machines sont commandées par deux ou trois ouvriers, là où un seul suffirait en Europe. Le coût de la main-d’œuvre explique largement cette situation.
De nombreux indicateurs sont mesurés tout le long de la ligne de production. Affichés sur des écrans, ils doivent permettre aux ouvriers de se situer par rapport à leurs collègues et au niveau de productivité attendu. Un peu partout, dans chacun des bâtiments, se trouvent également des panneaux incitant à la prudence, au respect de l’environnement mais aussi destinés à développer la culture d’entreprise. On peut notamment y lire: «La sécurité est la clé pour une usine garantie sans accident», «Préservez notre environnement et vous préserverez la vie et le futur» ou encore «Travaillez avec soin, même si personne ne vous observe».
Ce dernier slogan nous ramène à la qualité, véritable fer de lance de BKT. Outre les contrôles réalisés tout au long de la chaîne de production, deux vérifications ultimes sont réalisées en bout de chaîne à l’aide d’un appareillage spécifique. Chaque pneu est passé sous des rayons X afin d’identifier toute éventuelle anomalie au sein de sa structure (bulle d’air, déformation surfacique, défaut de superposition des couches…). Tout pneu ne satisfaisant pas à l’un ou l’autre contrôle, qu’importe sa position sur la chaîne de production, est éliminé de celle-ci.
Du noir de carbone autoproduit
Le site dispose de sa propre unité de production d’électricité et de vapeur, pour une puissance totale de 40 MW. Si les chaudières et autres boilers sont actuellement alimentés au gaz naturel et au charbon, celui-ci tend à disparaître et ne devrait plus être qu’un souvenir dans les années à venir. En outre, des panneaux photovoltaïques sont installés sur les toits.
Le manufacturier a adopté le principe «zéro rejet liquide» depuis 2019: aucun déchet liquide n’est rejeté à l’extérieur de l’usine. Toute l’eau utilisée est traitée, purifiée puis réutilisée. Une manière d’accroître la durabilité des procédés de fabrication.
Sur place, BKT a également bâti une unité de production de noir de carbone. Ce matériau, se présentant sous forme de granulés de 0,1 à 1 mm de diamètre, entre dans le processus de fabrication des pneus. Il leur donne leur couleur noire mais améliore surtout les propriétés du caoutchouc. Les produits gagnent ainsi en résistance et voient leur durée de vie être prolongée. En outre, les risques de déformations des pneumatiques sont réduits.
D’une capacité de production de 65.000 t en 2017, année de sa mise en service, elle a produit pas moins de 165.600 t de matière première l’année dernière. L’objectif pour 2023 est fixé à 198.600 t. En parallèle, une réduction de 70% de la consommation énergétique est annoncée, sans délai toutefois.
La recherche au service de la qualité
Bhuj accueille le centre de recherche et développement de la firme. L’ensemble des matériaux nécessaires à la fabrication des pneus y est analysé, testé, étudié… dans des laboratoires les plus modernes qui soient. L’objectif? Améliorer continuellement la qualité des produits. Des recherches sont aussi menées en vue de créer de nouveaux mélanges pour les bandes de roulement.
Divers outils permettent de tester les pneus eux-mêmes. Citons, par exemple, la présence de plusieurs bancs d’essai à tambour. Le pneu, monté sur un essieu, est mis en mouvement contre un tambour rotatif, simulant le revêtement routier. Le tout permet d’étudier l’usure du pneu. En outre, en faisant varier la pression de contact, sa résistance est également mise à l’épreuve.
Jouxtant le bâtiment, la piste d’essai permet de poursuivre les analyses. Elle s’étend sur 1,2 km, sur une zone d’une dizaine d’hectares. Selon le manufacturier, il s’agirait de la plus grande infrastructure de ce type d’Inde. Elle permet de contrôler le comportement des pneus ainsi que le confort de conduite.
600.000 t de pneus pour 2 milliards de dollars
L’usine ne cesse d’évoluer. Ainsi, un nouveau bâtiment est sorti de terre en février 2022. Il est entièrement dédié à la production de pneus agricoles radiaux. De plus, BKT entend accroître la fabrication de pneus de grande taille (d’un diamètre de près de 3,60m, 8h de fabrication) dédiés aux engins évoluant dans les carrières et exploitations minières afin de répondre à une demande croissante dans ce secteur.
Et ce n’est pas tout… Le manufacturier vient d’officialiser l’achat d’un nouveau terrain jouxtant l’usine actuelle. Le site de production se déploiera ainsi sur 325ha, soit 20% de plus qu’actuellement. L’objectif est d’y produire des pneus radiaux agricoles et «off road», d’étendre l’usine de noir de carbone et d’accroître la production énergétique.
De quoi satisfaire les ambitions de la marque. Arvind et Rajiv Poddar, respectivement directeur général et directeur général adjoint – ainsi que père et fils–, annoncent avoir réalisé un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars l’année dernière (940 millions d’euros). Ils visent maintenant 2 milliards de dollars à l’horizon 2026, pour production annuelle totale de 600.000 t de pneus. Tous deux considèrent que la demande sur le marché international est telle qu’elle constitue une opportunité de grandir.
L’entreprise ne fait pas un secret de ses plans et ce, malgré qu’elle évolue dans un secteur très concurrentiel. Pour y parvenir, il conviendra d’augmenter la production. À ce titre, l’usine de Bhuj et son agrandissement prochain constituent un pion majeur. De même, les patrons souhaitent réduire le temps de fabrication, en optant pour une automatisation accrue, éviter les écarts de production, et améliorer l’efficacité des procédés de production. Le tout, sans impact sur la qualité. En parallèle, il est prévu d’étendre la gamme de produits mais aussi d’accroître la promotion de la marque.
L’usine de Bhuj est déjà la plus grande d’Asie en matière de pneus «off road». Une fois les travaux d’extension terminés, BKT disposera de la plus grande capacité de production de pneus radiaux au monde.
J. Vandegoor